L'ensilage chauffe
Nathalie GENTESSE, M.Sc., agr.,Qu’est-ce qui peut inciter les vaches à réduire leur consommation ? Le plus souvent, il faut regarder du côté de l’ingrédient principal de la ration, soit l’ensilage. Même si les vaches ont la capacité de s’adapter aux changements d’ingrédients, il leur est plus difficile de compenser pour une mauvaise conservation.
Par exemple, cet ensilage de maïs en silo-boudin semble fait en bonne condition avec un sac de plastique étanche. Mais, une fois dans la RTM ça se gâte ! Dès qu’il est mélangé, le tout se met à chauffer, une mauvaise odeur s’installe et le pH monte rapidement. La consommation des vaches chute immédiatement, ce qui se répercute sur leur production de lait. Dans ce cas-ci, ce sont les levures qui sont à l’origine de la dégradation rapide de la qualité de l’ensilage. Dès que l’air est mélangé à la masse, les levures qui étaient dormantes pendant l’entreposage en absence d’air sont réveillées. Elles utilisent alors l’acide lactique contenu dans l’ensilage pour se nourrir et le transformer en CO2 et en eau. Cette réaction cause l’échauffement du matériel. En 2 heures, la population de levures aura doublé, entraînant une hausse rapide du pH. Si un ensilage normal peut contenir environ 100 000 levures/g, c’est autour de 1 000 000 levures/g que les problèmes de qualité surviennent. Les levures peuvent croître à des températures variant entre 0 et 37°C. De plus, elles survivent sans peine à des pH entre 3 et 6,5 ce qui en fait des microorganismes très polyvalents.
Comme l’acide lactique permet de maintenir un pH acide autour de 3,5-4 dans l’ensilage, sa disparition entraîne une remontée du pH autour de 6. Comme au moment de la récolte, les bactéries et les moisissures ont à nouveau la possibilité de se développer et ne s’en privent pas. Ces organismes, ainsi que les levures elles-mêmes produisent plusieurs types de composés qui peuvent réduire directement la consommation de matière sèche des vaches. Certains composés pourraient même diminuer la fermentation ruminale et la production de lait en affectant le métabolisme des bactéries ruminales et la glande mammaire. Des mycotoxines peuvent aussi être synthétisées à ce moment et s’additionner au cocktail des composés malsains pour la vache.
Au départ, plus un ensilage contient de sucres, comme l’ensilage de maïs, plus le milieu est propice à la survie des levures. Au champs, la contamination par le sol est une cause fréquente des décomptes élevés de levures dans l’ensilage de foin. C’est aussi lors de la phase du séchage au champ que la population de levures augmente rapidement, se nourrissant des sucres de la plante. Au niveau de l’entreposage, plus l’air sera évacué rapidement après la récolte, moins elles se développeront. Le taux de matière sèche, la longueur des particules, la compaction, la fermeture sans délai du silo sont autant de facteurs importants pour la qualité de l’ensilage. Au moment de la reprise, une attention particulière doit être portée pour garder une surface plane à l’avant du silo-boudin. De plus, il faut aussi s’assurer de prélever au minimum 6 pouces de surface chaque jour afin que l’ensilage demeure le plus stable possible.
Finalement, l’ajout d’un inhibiteur de croissance comme de l’acide propionique dans la RTM pourra empêcher la croissance de la population des levures, moisissures et bactéries qui suivent l’incorporation d’air dans l’ensilage ainsi que l’échauffement de la ration. Comme le but ultime est de limiter le plus possible la production de composés qui affectent la consommation des vaches, plus la fabrication de la ration sera rapide et utilisera un ensilage frais, moins les vaches souffriront des inconvénients de la détérioration de l’ensilage.